Qui se souvient encore de la journée du 6 Juin ? Pendant des années, elle fut au moins aussi importante que le 8 Mai ou le 11 Novembre. C’était jour de commémoration, de souvenirs, d’émotions et d’autoglorification, Il marquait le début d’une ère nouvelle, la Libération.
Le général de Gaulle avait été soigneusement écarté de l’opération de débarquement Overlord, mais cela n’empêchait nullement de célébrer l’amitié franco-américaine en rappelant Lafayette.
C’était aussi l’occasion de rappeler certaines souffrances localisées comme Oradour-Sur-Glane ou les pendus de Tulle. Les anciens résistants sortaient leurs drapeaux et leurs médailles, et tout le monde entonnait, ému, le Chant des Partisans. On n’évoquait pas encore le Vel d’Iv ou Drancy ; chaque programme en son heure… En ces temps-là, l’heure était à la glorification de ce fameux jour où l’Amérique arrivait pour libérer l’Europe en débarquant sur les plages de Normandie, rebaptisées pour la circonstance avec des noms bien américains.
Avec la sortie du film et la chanson « Le jour le plus long », la journée du 6 Juin devenait encore plus mythique. Il existe peu d’exemples dans l’Histoire où un peuple chante et danse pour fêter l’invasion de son territoire. Car c’en était bien une, et les Français ne le savaient pas. Ils ne savaient pas non plus que les Normands avaient payé le prix fort pour cette invasion-libération. Ils connaissaient encore moins les plans géopolitiques de ceux qui avaient organisé le débarquement. Quant à savoir pourquoi les alliés ont attendu si tard pour débarquer, personne ne se posait la question à ce sujet.
C’est que, ce 6 Juin 1944, il n’y a pas que les soldats américains qui ont débarqué sur les plages de Normandie. C’est toute l’Amérique qui arrivait en force, avec son american way of life, ses films hollywoodiens, son chewing gum, son Glen Miller, et… son projet pour les territoires européens qu’elle arrivera à « libérer » avant les Soviétiques. Projet facile à réaliser d’ailleurs, avec une population européenne sortant d’un cauchemar et encore traumatisée, et des dirigeants affaiblis ou parfois compromis.
73 ans après, nous sommes toujours dans la pax americana. Comme toutes les paix impériales, la pax americana s’est dotée d’une puissance militaire, l’OTAN, surtout destinée à la maintenir et à la renforcer face à des ennemis et des menaces qui n’existent pas ou créées de toute pièce. Malheureusement, à force de chercher un ennemi à tout prix, on finit par en trouver vraiment un. L’un des candidats à devenir cet ennemi est la Russie, qui a compris très vite que le jeu de l’OTAN destiné à préserver sa pax americana devenait très dangereux et qu’il fallait y mettre un terme.
L’une de ses premières actions a été de déconstruire le récit sur lequel s’est édifiée la pax americana, en rétablissant la vérité historique sur les évènements de la Deuxième Guerre Mondiale et en replaçant le débarquement de Normandie du 6 Juin 1944 dans son véritable contexte. Devant la souffrance et les sacrifices des Soviétiques, la recherche d’un soldat Ryan devenait tout d’un coup dérisoire. Depuis le réveil russe, d’autres vérités sont sorties de l’ombre, et toutes tendent à émietter le prestige du grand libérateur américain, certaines allant jusqu’à dévoiler quelques-uns des plans sordides qui avaient été conçus en vue de l’invasion de l’Europe.
Aujourd’hui, la journée du 6 Juin n’évoque plus grand-chose, sauf peut-être pour les Normands qui, eux, ont subi les bombardements, les viols et autres exactions dès les premiers jours de leur « libération ». Les militaires américains sont restés plus de 20 ans en France, avant de se faire chasser par le général de Gaulle, et ils sont encore des milliers éparpillés dans les autres pays d’Europe. La libération totale de l’Europe est décidément bien longue !