L’échec de la stratégie d’Emmanuel Macron
Par Jacques Sapir

Avec la fin du G-20 qui s’est tenu à Hambourg, et après les deux discours d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, le premier au Congrès le lundi 3 juillet et le second devant l’Assemblée Nationale le mardi 4 juillet, l’ampleur de l’échec à venir de la Présidence Macron se dessine.
Ce Président, élu sur un malentendu et appuyé sur une majorité, qui est elle-même probablement la plus mal élue de la République, va plonger la France dans une crise profonde.
L’illusion de la diplomatie
Il faut reprendre ici la chronologie. A Hambourg, Emmanuel Macron, et la France avec lui, a été inaudible. La première rencontre personnelle entre Donald Trump et Vladimir Poutine a, naturellement, concentré l’attention. Mais, la France n’a pu faire entendre sa voix. Cela confirme un constat que l’on pouvait déjà tirer après l’échec personnel pour Emmanuel Macron qu’avait représenté le sommet européen des 22 et 23 juin. Il y avait été incapable de faire prendre en compte des revendications, que l’on peut trouver restreintes et qui constituaient le socle minimal des demandes françaises, à ses collègues de l’Union européenne.
Donald Trump, dont on dit souvent que le comportement est erratique, poursuit en réalité une politique claire de défense des intérêts de son pays et il sort renforcé du G-20 dont le communiqué final acte de l’impossibilité à bloquer la politique des Etats-Unis. Cette politique est aujourd’hui contradictoire avec celle de l’Allemagne.
Angela Merkel, qui affronte avec sérénité des élections au mois de septembre prochain, n’a d’ailleurs nullement l’intention, ni la volonté, de faire la moindre concession que ce soit à Donald Trump ou, indirectement, à Emmanuel Macron. En effet, aujourd’hui le cadre de l’UE de la zone Euro fonctionne à plein pour les intérêts des entreprises allemandes. Elle n’acceptera donc des changements que contrainte et forcée.
Emmanuel Macron a-t-il lu Jack London?
Inquiet dès le conseil européen de fin juin de la tournure prise par le volet diplomatique de sa stratégie, Emmanuel Macron a décidé de mettre en œuvre un volet interne. C’est le sens du discours d’Edouard Philippe, mardi 4 juillet, devant l’Assemblée Nationale. Prenant prétexte de la « découverte » par la Cour des Comptes d’un trou de 9 milliards dans les estimations budgétaires, il a décrété un tournant austéritaire, un de plus, pour l’économie française. Mais on peut certes s’étonner de la « découverte », quand on se rappelle qu’Emmanuel Macron fut le Ministre de l’économie jusqu’à l’été 2016. Il s’agit bien évidemment d’un prétexte. (de deux choses l’une :
- ou il savait
- ou il ignorait
Dans les deux cas, il y a faute. Vaut-il mieux une faute d’ignorance ou une faute de complicité complaisante….?)
En annonçant des coupes importantes dans les dépenses publiques (80 milliards sur 5 ans), le gel du point d’indice des fonctionnaires qui ont pourtant perdu largement en pouvoir d’achat depuis dix ans, et diverses autres mesures dont bien entendu la fameuse réforme du Code du Travail dont les conséquences en matière de pouvoir d’achat serons considérables, Edouard Philippe entame un nouveau tournant austéritaire. Mais, il n’en dit pas la véritable raison. (L’argument du « pas de fric, n’est pas nouveau.. ». Cela fait plus de 15 ans qu’on nous le rabâche… Certes on n’a pas de fric pour traiter de façon égalitaire les « Pupilles de la Nation » – juifs et non juifs -, mais on en trouve, en cours de route et par quel miracle pour indemniser les « Pupilles de la Nation, juifs, américains »… Il est vrai que si l’on veut implanter la SNCF aux USA, Il faut casquer les transports « d’allégresse-allégeance » d’antan. Liepzig, député européen, juif, avait déjà tenté et avait été débouté…., en plus de l’indemnité « souffrance »…. Non ce n’est pas de l’antisémitisme que de dire de telles vérités, facilement vérifiables, il suffit de s’en donner la peine)
Emmanuel Macron est persuadé que c’est en appliquant cette politique, et en remettant la France dans une orthodoxie comptable (avec le respect strict de la règle des 3% du déficit), qu’il va construire sa crédibilité face à l’Allemagne et à Mme Angela Merkel.
Cela revient à croire que c’est en s’imposant une purge amère que l’on peut être pris au sérieux. Cette logique fut magnifiquement décrite il y a 100 ans par Jack London dans un de ses nouvelles, La Force des Forts (1). Sauf que la politique internationale n’obéit nullement à ces règles enfantines. Elle implique des logiques d’alliances, avec des pays connaissant les mêmes problèmes que nous, et surtout elle implique que l’on nous croit capable de « casser la vaisselle ».
Les conséquences d’une stratégie perdante
Cette purge austéritaire va plonger la France dans un nouvel épisode de récession. Nous vivons aujourd’hui sur un « plateau », lié à l’amélioration du pouvoir d’achat qui s’est manifestée depuis l’hiver 2016. Mais, la contraction relative des revenus nominaux associée à une (très petite) poussée d’inflation, va provoquer une détérioration du pouvoir d’achat à partir de la fin de l’année 2017. Si, en 2018, viennent se combiner à cette détérioration les effets des mesures d’austérité décidées par Edouard Philippe et les effets des mesures structurelles, dont celles concernant le Code du Travail, alors la consommation et le revenu disponible des ménages se verront amputés. Cela conduira à une nouvelle période de baisse de l’activité, tout comme la politique de François Fillon, ou le choc fiscal de François Hollande avaient eux-aussi conduit à des baisses d’activités, autrement dit à des hausses, plus ou moins importantes du chômage.
On comprend que les français, dans leur grande majorité, soient plus que circonspects quand aux mesures promises et annoncées par Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Il faut toujours le rappeler, le Président Macron a été élu sur un malentendu, par défaut, et sa majorité a réuni la plus faible proportion des inscrits par rapport à son nombre effectif de députés.
L’accumulation de poudre dans la Sainte-Barbe du navire France n’implique pas, évidemment, que tout va sauter. Mais, danser dans cette Sainte-Barbe avec une torche à la main, ce qui est métaphoriquement ce que font tant Emmanuel Macron qu’Edouard Philippe, et La République en Marche, dont l’attitude à l’Assemblée nationale par son refus du pluralisme mais aussi de par l’inexpérience de nombreux de ses députés, pose un véritable problème à la démocratie, est une attitude profondément malsaine et irresponsable.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.